2007
Avril : exposition à l’invitation du Conseil Général – Galerie Jean-Claude Simon – Hôtel du Département – 43000 LE PUY EN VELAY
« Arlempdes de feu et d’eau », toile acquise par le conseil général pour sa collection
« Arlempdes de feu et d’eau », toile acquise par le conseil général pour sa collection
Tout d’abord, merci à Mr. le Sénateur d’avoir bien voulu inaugurer mon exposition, merci au Conseil Général qui nous accueille dans ce superbe cadre, merci tout particulièrement à Mr. François Leroy qui a su se souvenir de moi et qui m’a présenté à Mr. Le président Gérard Roche.
Merci à la chorale « Chant’au Vent » de Landos, qui nous insufflera, tout à l’heure un petit peu de l’entrain d’un certain Mozart, merci à Nathalie et à Marc qui ont, si gentiment, assuré l’accrochage. Merci aussi à mon épouse qui me soutient depuis si longtemps et sans laquelle, pour de multiples raisons, je ne serais pas ici ce soir, merci à la Loire Haute, qui soutient mon inspiration depuis plus de trente ans, merci à ses eaux vives, à ses forêts, ses champs, ses prés, à « l’épaisseur changeante des haies » que chante si bellement notre ami Pierre, enfin, merci à vous tous d’être venu me tenir chaud ce soir.
Je dédie cette exposition au souvenir de mon père et à l’avenir de l’aîné de mes petits enfants, Tristan. Si l’un est désormais dans l’air que je respire, l’autre est bien là, un peu ému je présume, au milieu de nous. Ils sont aussi tous les deux dans les pages de mes carnets, l’un finissant et l’autre commençant. La symbolique est facile mais me permet de dire comment, pour moi, la peinture accompagne tous les instants de ma vie. Elle est à la fois appropriation goulue du réel mais aussi exorcisme et conjuration. Le temps passant, elle me paraît d’ailleurs, de plus en plus indéfinissable, de plus en plus multiple, de plus en plus magique.
On croit faire tranquillement un paysage, rendre une émotion que la nature vous a donné, et l’on se retrouve sans l’avoir voulu, au bout du compte, devant un impudique aveu de puissance ou de faiblesse, comme une confession qui vous échapperait et qui souvent n’a rien à voir avec les sensations qui l’ont fait naître. Acte magique parce que l’on se sent en communication avec des forces qui sont plus loin que soi, plus loin que les champs de la conscience. Transfiguration, métamorphose … L’acte posé, la toile montré, d’autres s’engouffreront dans la trace laissée. Pour ceux là, nous auront été les intercesseurs : ils emportent avec eux ce morceau de vous qui vous échappe sur lequel, à leur tour, ils mettront leur propre sens. D’ailleurs, pour l’artiste, seul compte l’acte de peindre : une toile terminée est une toile morte et c’est le regard de l’autre, de tous les autres, du plus grand nombre, qui peut lui redonner vie. Et c’est là seulement la justification de l’exposition.
Donc merci encore, merci à tous d’être venu.
J’ai pris ma retraite au printemps de cette année. Ce soir, avec cette exposition, je tourne une page qui a déjà duré trente ans …
En 77, le curé de ma paroisse, Elie Gerbier, m’avait généreusement recommandé auprès du père Pouilhe, directeur de cette maison. Le père Pouilhe, qui reste pour moi, n’en déplaise à a sa modestie, Monsieur le Supérieur (entre nous, nous nous contentions de dire affectueusement : « le Sup ») a fait preuve à ce moment là d’une largesse d’esprit invraisemblable : il m’a accepté avec mes cheveux longs, mes pantalons en pattes d’éléphants verts pomme et mes tuniques marocains brodées. Il m’a accepté avec mon goût pour la provoc et mes insoumissions, mes enthousiasmes intempestifs et même … mon orthographe aléatoire !
Il a aussi accepté que mon temps soit groupé au plus juste afin de pouvoir mener de concert mon activité de prof et mon activité de peintre, loin du collège, au sein d’une nature qui a toujours nourrit mon inspiration. Depuis tous les autres directeurs que j’ai pu avoir ont respecté ce contrat tacite. J’ai donc pu continuer ce que j’avais commencé sous d’autres cieux : au lieu d’être un enseignant qui peint, je suis resté un peintre qui enseigne. Ce que j’apprenais dans les musées et les expositions, ce que je pratiquais dans le silence de mon atelier, j’ai essayé de le faire passer aux enfants. Je suis bien certain de n’avoir pas très bien réussi, j’ai bien conscience de n’avoir pas été le professeur que j’aurais aimé être. Mais j’ai essayé de leur faire passer mes émerveillements, mes colères. J’ai essayé de les faire réagir à l’actualité et à ses convulsions, de les faire réfléchir, en image, à ce que peut être la vie chez les hommes. J’ai aussi essayé de leur faire découvrir, à travers l’art de tous les temps, d’autres manières de suggérer l’intérêt et la beauté du monde. Ces jeunes, dont certains déjà pourraient être des grand-pères, m’ont beaucoup apporté. Ils m’ont aussi aimé et respecté et il m’arrive maintenant d’avoir de chaleureux retours.
Aujourd’hui que je vois mes œuvres mêlées aux leurs pour la première fois, je me dit que toutes ces années ne m’ont guère profité et que mes travaux actuels ne sont pas meilleurs qu’il y a trente ans. Le moment des bilans est rarement réjouissant. Pourtant, c’est bien de ma vie, d’une vie d’homme, dont il est question et je me retrouve tout entier dans ce déballage impudique dont je vous fait les confidents involontaires. Mon rapport à la nature, à sa richesse et sa diversité, mon rapport à l’autre, mon rapport au corps, mon rapport au temps sont étalés là, sans vergogne, mais en toute sincérité. Mon exposition commence avec mes enfants, petits, et termine avec mes petits enfants, le tout accompagné de multiples paysages. J’aurais pu appeler cette expo : « Le temps qu’il fait et le temps qui passe », c’est un beau titre, mais cela ne rendra pas les œuvres meilleurs pour autant !
Je vous remercie d’autant plus d’être quand même venu ce soir … Et puisqu’il est l’heure des remerciements je vais essayer de n’oublier personne. Je remercie l’association des parents d’élèves qui a financé l’exposition, ainsi que l’O.G.E.C, tous ceux qui ont aidé à la logistique et n’ont pas hésité à donner de leur temps, particulièrement Dominique Dovis, dont tout le monde sait qu’il est indispensable dans cette maison, Marc Maurin, mon remplaçant, qui, entre autre, a réalisé le fléchage avec ses élèves, les secrétaires Maïté et Gisèle pour leur compétence et leur efficacité et, surtout Didier Ferry, mon le directeur, qui a su insister pour que cette exposition se fasse, alors que, découragé par mon état de santé, j’avais laissé tomber l’idée. Bien que sollicité sur tous les fronts, il s’est démené pour moi en particulier et je l’en remercie chaleureusement. Enfin je remercie mon épouse qui a du pendant tout ce temps, non seulement me supporter moi, mais aussi ma peinture et cela va dans des taches bleues sur la chemise jusqu’aux humeurs exécrables des jours d’échecs. Je ne voudrais pas terminer sans parler des belles rencontres que j’ai pu faire à la Chartreuse, soit parmi les enfants, soit parmi les adultes. Je pense, entre autres, à des gens qui sont parti pour des chemins riches mais éloignés, comme Pierre Gire qui me fait toujours l’honneur de son amitié, je pense à ceux que l’age a rattrapé, comme l’abbé Priouret, qui m’a tellement aidé à mes débuts dans la maison en toute modestie et simplicité, je pense à Jean-Pierre Vidal, prof de Philo, que les élèves appelaient « Bigoudis », dont la fin accidentelle me fût particulièrement douloureuse, et puis tant d’autres … Beaucoup sont là ce soir …
Un de mes directeurs, bien plus jeune que moi, dès que j’ouvrais la bouche pour une objection, avait la malice de me clouer le bec en me disant : « Je sais, je sais, avant c’était mieux » et nous en riions ensemble, Je sais bien que ce n’était pas mieux, c’était autrement. Le « Bon vieux temps » est une invention de vieillards obsolètes. Je tourne donc ce soir avec vous cette page de trente ans, plein d’autres nous attendent. J’ai été bien à la Chartreuse. Vivre est passionnant.
J-P P. Au Leyris, le 29 MAI 2007