« Dans tout artiste il ya un poète et un artisan, on naît poète mais on devient artisan »
Emile Zola (« L’oeuvre »)
Emile Zola (« L’oeuvre »)
Pierre Presumey - 2014 - Un livre en collaboration aux Editions "Hauteur d’Homme"
La grande exposition que la ville d’Arles lui a consacrée en la chapelle Sainte-Anne a révélé toute l’envergure de l’œuvre de Jean-Pierre Petit. L’avisé public provençal a perçu le point de vue sur le paysage et sur la peinture qu’est revenu lui proposer cet enfant du pays établi sur les hautes terres volcaniques du Velay. Celles-ci constituent le sujet d’une quête obstinée au cœur de la lumière et de la couleur. Jean-Pierre Petit soumet sans relâche à la question les vibrations de la peinture, qui du paysage pourraient lever une part d’énigme.
Un catalogue n’aurait pas suffi à révéler la profondeur de cette œuvre majeure. Ce livre en dégage les thèmes fondateurs. Ceux-là mêmes que l’auteur Pierre Présumey explore en parallèle et en connivence avec le peintre : horizon, sillons, chemins, traces, arbres, broussailles…
Avec le double levier de son érudition littéraire et philosophique et de sa connaissance sensible du « pays » intimement éprouvé, Pierre Présumey apporte une essentielle contribution, édifiante et poétique, à la vaste réflexion universelle sur le paysage.
Jacques Lomont - 2013 - Critique d’art. Avignon.
La Vigie du Leyris, à Vielprat, en Haute-Loire
Il fallait s’y attendre. Même si personne ne l’a vu venir. Même si l’évidence se claquait la rétine tous les matins. C’était une nécessité ordonnée par les bouilleurs de planète dès les premiers chatouillements de la faille hercynienne. Un jour, un peintre croisant sur le plateau du Velay croiserait entre ses yeux noirs les âmes du basalte à six faces et du granit en boulet ; et s’y décroiserait les brosses pour l’éternité.
Voilà, c’est fait, Jean-Pierre Petit a pris possession du plateau. Il s’est posé sur un des bords orientaux de cette immensité morale où l’on résiste encore aux hordes besogneuses de la discipline romaine. Et depuis le dernier quartier du vingtième siècle, il arpente Auvergne et révèle comment la vie y est irréductible aux recettes pour images. Les tentatives de circumnavigation exploratoire les plus complexes ont toutes échoué, de jour ou de nuit, sur un de ces puys caractériels qui font leur eau comme il plaît à leurs filtres, et laissent leurs couleurs s’accoupler à l’air libre. Du coup, les pilotes les mieux instruits aux vents des Gaules, ceux qui ne connaissent pas de réplique, renvoient l’Académie, d’un puissant coup de corne, à son jeu de boulier cadastral.
Laissant donc les armées du discours s’affronter pour soumettre à la lettre ce qui ne peut l’être, Jean-Pierre, qui connaît l’invincibilité de la relation au réel, raconte l’idée qu’il se fait de celle qu’il voit. L’histoire n’est pas simple, on le sait jusque dans les corridors du temps, il y faut une solide pensée pour découdre costumes, coutures, lisières et ourlets. Mais alors on peut entendre les voix des milliers d’âmes qui n’ont jamais cédé à la représentation. Alors une nouvelle vérité exige la naissance. Elle peut être dite. Et Jean-Pierre peut la dire.
Voilà comment l’affaire se pose sur la toile. Accessible au chercheur, mais insoumise. C’est bien là le nerf insaisissable qui fait grimper sa cote sans faiblir sur l’échelle des coups de maillets à l’enchère, jusqu’à finir au domaine des muses. Les émetteurs de biftons qui siègent en la capitale transhistorique de la résistance se chamaillèrent déjà à l’occasion d’une fuite de galerie méditerranéenne qui avait failli échapper à la taxe du Dôme, du temps où le pourfendeur de volcans chapeautait la frappe du jaune. Si vous tenez un Petit ne laissez donc pas les encagoulés de la plus value fureter dans vos quartiers.
Par bonheur la densité de ses pièces ne leur laisse aucune chance de se contenir toutes entières dans les maigres bourses des calculateurs. Aussi, pour ceux qui savent voir, l’autre bassin versant des lectures du plasticien, celui qui reste inaccessible aux crocs venimeux de la stricte canaille financière, celui qui sécrète les révélations du détail pour les mirettes du gourmant, l’incessible donc, est, chez Jean-Pierre, garni à ras la resserre des merveilles de la dégustation gigogne. Un puy aussi farci que le Sancy, et qui n’en finit jamais de vous lâcher une pépite.
Même si les punaises des nouvelles sacristies culturelles peuvent déraper dans l’interdiction à la seule vue du svelte vernis, la toile est assez matelassée des cholestérols les plus dangereux pour satisfaire les meilleurs historiens du goût.
Et si Jean-Pierre vous laisse accéder au cœur de sa chapelle de la gastronomie chamanique, vous y trouverez les âmes de cette terre d’altitude. Celles qui depuis des siècles ont fait de cette terre, une terre à la taille de l’homme, là où la bonté s’échange à la mesure des jours. Ils sont couchés comme les sillons de la terre. Ils animent la pensée des labours et les rotations de la vie.
Allez-y donc par les quatre chemins de la découverte, choisissez votre monture morale au pied le plus sûr, et jetez des poignées de réconforts aux misérables victimes des surfaces homologuées.
Jacques Lomont
Critique d’art. Avignon.
Pierre PRESUMEY - Juin 2012 - Un sonnet pour le peintre
Un sonnet pour le peintre
à Jean-Pierre Petit
Le peintre nous apprend que le violet des vipérines
Est fait du bleu du ciel, autour d’une goutte de sang.
Son goût le porte peu aux géraniums et aux glycines,
Mais à ce qu’il a sous les yeux : un plateau sous le vent.
Et ce plateau, sous la neige, avec sa terre sanguine
Montée de très profond, et marquée de feu en dedans,
Le peintre y met le frêne fort avec la noire épine,
Son horizon ne ferme rien : c’est un grand océan.
Le violet de la vipérine ou des douces scabieuses,
Les feuilles des fayards dans les rivières bienheureuses,
Les genêts, la bruyère, en temps de gloire ou de tracas,
Les labours où le gel a laissé sa griffure intime,
Cela tombe sous ses yeux, et retombe sur ses bras :
Le soin qu’il en prendra sera d’y déposer sa rime.
Pierre Presumey – Juin 2012
Revue "DETOURS EN FRANCE" - Mars 2011 - Numéro Spécial Puy en Velay
« Le Rocher d’Arlempdes, c’est le nombril du Monde. Il n’y a pas plus Altiligérien que moi ! »
Jean-Pierre Petit, né à Langeac, qui a gardé l’accent de ses années à Arles, est revenu en Haute-Loire en 1975.
A Vielprat, il choisit une ferme adossée à la colline. Pour mieux contempler le Bois d’Arlempdes il construit une tour en bois et y installe son atelier. « Ici je suis au cœur du paysage. Quand ça burle (vente) je suis dans ma tour comme dans un bateau pris dans la tempête ».
Sa peinture vigoureuse, assoiffée de couleurs, est tournée vers les paysages de cette Loire s auvage qui coule à deux pas. Le fleuve lui inspire de superbes aquarelles. Mais presque la moitié de ses toiles s’inspire d’Arlempdes. « Pas le Château, non, c’est pour les touristes ! Le site géologique me fascine. J’ai l’impression de voir le jaillissement de la nature. Ce quelque chose qui cherche à sortir du chaos.
Une naissance figée à jamais dans la pierre bleue, la pierre de volcan, ce basalte que l’on n’a jamais pu tout à fait domestiquer ».
Ses tableaux bouillonnent du même feu intérieur, de la même énergie quasi tellurique.
Cécile CRESPY - Printemps 2003 - Etudiante en Histoire de l’Art
…Jean Pierre Petit habite une ferme en Loire haute, adossée à la colline et qui débouche à ciel ouvert en face du bois d’Arlempdes. Lorsque l’on remonte la Loire pour le rejoindre, on comprend mieux ses toiles. On voit autrement le pays sauvage aux pentes arides au fond desquelles miroite une eau tranquille et plate, et on se souvient des plans horizontaux, des obliques et des verticales, des reflets et des roches. Il aime cette terre, il s’en nourrit et y puise. Au fil des années, il en a peint les entrailles, la lave figée, la fonte des neiges et le bruissement des forêts. Sur la toile, il a creusé le sillon et retourné la terre.
Ses peintures sont travaillées besogneusement à l’infini. Aucun espace n’est laissé vide. Si l ‘on entrevoit le ciel, il est solide et dense. L’artiste construit patiemment son œuvre, souvent à partir d’une forme, d’une harmonie et d’un geste qui se répète. Les couleurs sont audacieuses, énergiquement posées, et les blancs, même, sont volumineux, vifs, vivants. Ces couleurs jaillissent d’un feu intérieur d’un artiste aux entrailles de volcan.
Il se livre tout entier dans son œuvre, et y donne à lire sa vie…
Cecile CRESPY, Printemps 2003
Pierre PRESUMEY - Septembre 2001 - Galerie Tout un Art à Saint-Cyr en Mont d’Or
La terre engendre des montagnes que les rivières emportent à la mer. Il n’en reste jamais que des traces. Mais à l’aide de leur découpe sur l’horizon du soir remémoré, nos cœurs les recomposent, plus fières ou plus modestes, selon, et au moment de leurs déposition sur l’horizon du matin, nos cœurs les retrouvent toujours légères.
Le cœur du peintre et sa main vous empoignent les pièces du grand jeu montagnard.
La main du peintre refait le chemin du jaillissement, l’ouvrage de la naissance :celui du basalte. La main du peintre refait aussi le chemin de l’apaisement, de l’usure consentie : celui du granite. Les courants et les reflets de la Loire (qui coule ici à peine vers le nord ! ), les pins sylvestres (qui ne sont pas verts mais bleus ! ), les fayards (qui ne sont pas verts mais jaunes, ou mauves ! ), seraient alors sur ces deux lignes essentielles de la rude mélodie des hautes terres, seulement des ornements ?
Non, plus que cela. Car le peintre les parcourt pour à peine dissimuler les grandes fractures, ou pour à peine dévoiler les lourds effondrements, les empilages premiers, les socles , les débordements de lave. Le peintre serait géographe ou géologue ? mais comme à la distance il allie aussi la proximité avec la terre, le mieux serait de dire :un peintre paysan. Car le geste de l’un retrouve la connivence de l’autre avec le pays. Dès lors rien d’arbitraire apparemment dans la décision d’en faire aussi un paysage. Il ne s’agirait que de prolonger sur la toile ou le papier ce que la griffe éternelle du paysan marque sur la peau des hautes terres…
D’où la prédilection du peintre pour le charruage, les talus, les rides du sol :hachures obstinées ;un peintre laboureur en somme. Mais les traces ne sont toujours qu’en surface et la profondeurs s’atteint à coups de pressentiments, avec les élans du lyrisme.
Des excès de celui-ci le peintre sait se garder :aussi redonne-t-il ses cartes aux saisons, à la neige qui gomme le sillon, à l’herbe qui se ressaisit de l’éteule, au gel qui dépouille le bois de fayards. Car au jeu des métamorphoses qui pourrait bien garder la main ? Reste tant encore à saluer : la constante germination, les bousculades de la vie végétale, tous les frissons du verdoiement sous la rumination des mois d’hiver, les hardiesses de la lumière, la surprise des ombres traversées, et dans l’entrebâillement des branches émerveillées, le sourire de l’approbation.
Pierre Présumey. (né en 1952, il a enseigné les lettres classiques et produit parallèlement de nombreux ouvrages de poêsie et de littérature, seul ou en collaboration. Edité au Pré Carré, en Poche jeunesse, à la NRF, à Hauteur d’Homme, etc).
Pierre GIRE - 1983 - Office de tourisme du PUY EN VELAY
Texte de Pierre GIRE, prêtre, enseignant, philosophe, doyen de la faculté de philosophie à l’Université catholique de LYON.
« Les tableaux de Jean Pierre Petit ne laissent jamais indifférent celui qui les côtoie. Ils fascinent l’illettré comme l’érudit par la force de leurs mouvements et l’exigence de leurs couleurs. Ils enferment le regard au creux du tourbillon discipliné de leurs formes comme pour l’absorber dans les espaces infinis qu’ils libèrent. A les entrevoir une fois seulement, chacun se prend à rêver aux meilleurs expressionnistes du debut du siècle ou à quelques toiles de Van Gogh et de Soutine. A les fréquenter de près, tous peuvent y surprendre des chemins imprévisibles pour la joie de l’esprit et la fête des sens.
La peinture de Jean Pierre Petit, lorsqu’elle montre, dans les œuvres qui l’exposent, la nature ou l’homme ne nous rappelle ni paysage, ni modèle. En elle, il n’est nul message à déchiffrer, nulle doctrine à lire. Elle n’introduit pas à un jardin des origines dont se souviennent les utopistes de tout genre pour transfigurer le présent. Elle nous force à descendre dans la genèse du monde, à glisser dans la nature jaillissant de l’ombre, à naître dans l’homme émergeant de la nuit. En ce sens, elle est véritablement art créateur, geste primordial posé au commencement d’un univers en gestation dont la main libère les premiers éléments et l’esprit trace le mouvement décisif.
Le geste du peintre se donne en ses œuvres, non point comme retombé au soir du labeur, mais en quelques sorte comme risqué en chaque forme, la retenant par l’arrière pour la suivre dans l’élan de la création.Ce que le tableau dévoile à l’œil n’a rien d’un motif illustré mais a tout du geste unique dont germe sur l’espace des formes le tracé d’un procès que rien n’arrête en ses métamorphoses.
Qui ne sait pas cheminer jusque dans la profondeur du geste créateur ne peut reconnaître sur la toile que le dessin figé d ‘une main savante. Ce que nous livrent ces tableaux est l’art saisissant de la peinture où la mémoire du monde en genèse éclate dans le jeu des formes. Le peintre s’efface soudain derrière la présence de l’œuvre pour nous désigner l’invisible, ce qui vient à l’être dans une liberté in-surveillée que personne n’a encore piétinée. Il ne nous indique pas un côté des choses que nous aurions méconnu ; il nous révèle ce que nous ne pouvons pas atteindre parce que nous ne peignons pas, l’ascension des formes vers l’être. Une telle peinture sait nous apprendre que cette montée, oublieuse de toute progression linéaire comme le contour d’un cadastre, éclate ainsi qu’un tourment chaotique, violent, monstrueux. Ce qui sort de la nuit vient dans la brisure, la cassure, la déchirure, bref dans le saignement d’une nature qui naît à ses propres formes.
Nul ne peut prétendre que ce soit, là, fausseté, s’il est entré dans le fracas des vents sur les hauts plateaux, s ‘il a entendu hurler l’océan contre les falaises vives, s’il a vu les fauves mettre bas, s’il a connu l’homme écorché par la charrue ou éventré sur la machine. C’est de cet acte déchirant d’où surgit l’imprévisible que cette peinture nous rapproche. Elle nous fait toucher par la chair ce que nulle poésie ne peut écrire, l’éclair terrible de la naissance des choses risquées, l’éclatement cruel de la vie où se décident des êtres, le tourment originel ou se forgent des destins. Elle creuse les formes jusqu’à l’impossible de l’action, jusqu’à l’impensé du savoir, en arrière du faire et du penser, dans le jaillissement premier où se dessinent les traits vivants de ce qui n’est pas encore nommé ».
Texte de présentation de l’exposition de 1983 à l’Office de tourisme du PUY EN VELAY