2003

VOYAGES EN TERRES

« Mon quotidien est surtout fait de nature et de « paysages », mais cela n’exclut pas les expériences fortes et les émotions intimes. Ces toiles rassemblées ici m’ont été « données ». En l’espace de quatre mois, elles se sont imposées à moi sans que j’en décide ni l’ordre ni la forme. Simplement les couleurs, les terres, ont été le lien et le fil directeur qui a généré l’ensemble des peintures. Il y avait déjà quelque temps que je ne peignais plus qu’avec les pigments naturels, que je prenais plaisir à broyer moi-même sur le marbre. Cette notion de terres (Terre!) me convenait : j’y trouvais quelque chose de solide, de fondamental, d’élémentaire qui s’accordait bien au moment.

Il y a eu au début cette grande toile d’Arlempdes, énième version du rocher magique que l’on sait habité depuis des dizaines de milliers d’années. Et puis les rochers sont devenus vivantes colonnes. Ces colonnes se sont effondrées et les êtres en partance ont fait place aux sillons des terres labourées.

Pendant plusieurs semaines, de jour comme de nuit, dans un état de rare excitation, toutes affaires cessantes, je broyais de la terre que j’étalais sur mes toiles, ces toiles que je travaillais simultanément sans me douter où cela m’amènerait. Ce n’est que longtemps après, quand le flux est retombé, que j’ai réalisé en regardant tout ça, qu’il y avait un ordre de lecture, une organisation, une suite et un sens à tout cela. Ce sens était suffisamment ouvert pour que je puisse m’y fondre sans souci des schémas (religieux, entre autres) pré-établis et, sans forcément dire les choses avec des mots pour mieux les comprendre. Il m’a semblé aussi qu’il était question d’essentiel, autrement dit de vie, d’amour et de mort.

A exposer ces travaux, je n’ai pu m’empêcher d’aligner justement ces quelques mots. Peut-être n’était-ce point nécessaire, puisqu’il y est question d’indicible, probablement…

Probablement ».

Au Leyris, juillet 2003